Dans un courrier adressé à Manuel Valls, le Président de la FA-FP Bruno Collignon, interpelle celui-ci sur les positions tenues par Emmanuel Macron à propos de la Fonction Publique et de ses agents.
Monsieur le Premier ministre,
Il n'est pas dans les habitudes de la Fédération Autonome de la Fonction Publique (FA-FP) de solliciter le chef du gouvernement en-dehors de situations qui, de fait, nécessitent son arbitrage.
Pour autant, la confusion entretenue par les propos récurrents du ministre de l'Économie à l'encontre de la Fonction publique nous amène aujourd'hui à vous interpeller solennellement afin de clarifier la légitimité dont peut se prévaloir Monsieur Emmanuel Macron lorsqu'il s'agit d'évoquer le statut de la Fonction publique.
Bien qu'il s'en défende régulièrement, lorsque le ministre de l'Économie en exercice s'exprime sur l'une des plus importantes chaînes de radio nationales pour évoquer sa vision sur la rémunération au mérite des fonctionnaires, c'est bien la parole d'un membre du gouvernement qui est relayée, et non la simple conviction personnelle d'une personne publique. Dans le contexte particulier lié aux conditions de validation de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, accord soutenu par la FA-FP, entendre le ministre de l'Économie s'émouvoir de ce que le statut, selon lui, « … garantit des emplois à vie, parfois de manière indue, sans même passer par des concours, et ça c'est pas juste … » ou s'interroger sur « … qu'est ce qui justifie ensuite que l'on puisse être protégé de toutes les variations d'une forme de performance … » suscite une incompréhension totale de la part des agentes et agents de la Fonction publique que nous représentons.
Ces prises de positions officielles témoignent de notre point de vue, soit d'une méconnaissance profonde du statut de la Fonction publique, soit d'une volonté délibérée de se démarquer des orientations fixées par la Président de la République et relayées par votre ministère ainsi que par l'équipe conduite par Madame la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique.
La Fédération que je préside, fidèle à ses convictions en matière de dialogue social , aurait bien volontiers adressé un courrier à Monsieur Macron pour lui rappeler que le concours demeure la règle de principe d'entrée dans la Fonction publique et que les recrutements sans concours, actuellement en échelle 3 de rémunération, s'inscrivent dans une démarche de justice sociale, notamment vis-à-vis des personnes les plus vulnérables économiquement et n'ayant aucun diplôme scolaire.
Nous aurions également pu préciser à Monsieur Macron que la part des contractuels dans les trois versants de la Fonction publique varie de 15,5 à 19,3 %, soit environ 900.000 personnes qui assurent au quotidien des missions de service public, dans le respect des devoirs qui prévalent au sein de la Fonction publique tout en étant privées des droits ouverts par le statut.
Quant à la rémunération au mérite, nous aurions également souhaité confronter sereinement avec Monsieur le ministre de l'Économie nos arguments sur l'incompatibilité de l'individualisation des rémunérations en lien avec une quelconque performance, et ce pour deux raisons :
- c'est bien la dimension collective qui doit être valorisée au sein des différents services et non l'encouragement d'une approche individuelle en totale contradiction avec les valeurs même de la Fonction publique tournée vers les besoins des usagers,
- la rémunération au mérite exclurait de fait la majorité des agentes et agents qui exercent leurs missions dans le domaine de la santé, de l'accompagnement social, des services d'urgences ou de l'Éducation nationale.
Mais nous sommes au regret de constater que notre volonté de dialogue ne semble pas partagée par Monsieur Macron comme en témoigne la réponse lapidaire qu'il nous a adressée suite à notre dernier courrier qui comportait pourtant de nombreuses questions ouvertes au débat.
D'autres pistes concernant la prise en compte de la valeur professionnelle tout comme l'engagement des personnels au sein du service public sont possibles, et nous aurons des propositions concrètes à formuler dans le cadre de la poursuite de l'agenda social initié par le ministère de la Décentralisation et de la Fonction publique.
Pour la FA-FP, ces évolutions doivent conduire prioritairement à la revalorisation des traitements indiciaires, et non des régimes indemnitaires, afin d'améliorer de manière significative le niveau des pensions dans la Fonction publique. Il n'aura pas échappé au ministre de l'Économie que le 5ème décile du niveau des pensions brutes versées en 2014 par la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour les fonctionnaires des versants territorial et hospitalier, est respectivement de 1181 € et 1395 €.
Certain de votre volonté de ne pas laisser s'installer une confusion de cette importance au sein de votre gouvernement, confusion qui ternit de notre point de vue la qualité du débat public, et dans l'attente de votre réponse, soyez assuré, Monsieur le Premier ministre, de ma plus respectueuse considération.
Bruno Collignon, Président de la FA-FP
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